Jaeger-LeCoultre Répétition Minutes Ultra Thin Tourbillon Volant
Pas de doute, la voir c’est l’adopter… Enfin, pour les 75 heureux futurs propriétaires des trop rares exemplaires qui seront prochainement mis en production par la manufacture du Sentier.
A force de croiser des montres compliquées, on finit toujours par avoir une petite idée de ce que l’on voudrait un jour voir dans un modèle. Eh bien là, croyez le ou non, tout y est idéalement, comme un horloger rhabilleur connaissant bien les subtilités existantes ou un collectionneur ayant déjà tout, peut espérer le trouver dans une montre à répétition minutes.
Détails de goût
Extérieurement, la pièce joue la carte de la sobriété mais sans trop en faire non plus. De fait, le dessin du boîtier sait avoir des aspérités pour être sobre sans être insipide. On notera qu’à cet exercice, rares sont les maisons à parvenir à trouver le juste équilibre. Evidemment, il y a bien ici ou là quelques détails dont l’œil saurait se distraire.
Parmi les éléments les moins nécessaires, on retiendra les ouvertures pratiquées entre les index tampographiés qui, pour pareil instrument, auraient pu être plus cossus ou plus matérialisés (genre: éléments appliqués ou cadran usiné dans la masse, index légèrement saillants, matière appliquée dans une saignée à l’ancienne).
Quoi qu’il en soit, cette multitude de guichets ouverts dans le cadran autorise le regard à se laisser captiver par la masse oscillante périmétrique qui donne du mouvement au visage de la montre. Autre excès sans doute: la clé de sol ajoutée comme pour rappeler à son propriétaire que sa sobre montre sonne à la demande l’heure affichée au cadran. Voilà qui est sans doute un peu «too much.» Certains apprécieront la présence du tourbillon volant, d’autres pas. Le seul gain: l’absence de cage visible fait, au fond, oublier sa présence. De fait, il aurait pu être oblitéré à la vue pour permettre à l’esprit de se concentrer sur l’ouïe.
Parlons-en avec les yeux
Indubitablement, les amateurs éclairés auraient préféré voir cette fascinante mécanique formée des râteaux et autres cames de la mécanique de répétition minutes plutôt que l’artifice d’un tourbillon volant dont la cage semblerait avoir disparue comme par magie. Non, la manufacture a choisi d’exposer à la vue d’autres parties de sa mécanique.
Pour en profiter à plein, il faudra retourner la montre de 41 mm de diamètre en or gris. On découvre alors que le calibre n’est pas comme le voudrait la tradition en laiton rhodié ou doré, mais en maillechort, une habitude prise depuis quelques temps et qui a été longtemps une spécificité plutôt germanique ou réservée à des pièces de la Vallée, mais de marques concurrentes. Bon, c’est comme tout: question de mode. On notera immédiatement la présence de marteaux à genouillère, inspirés de ceux ayant servi dans une autre Hybris Mechanica et qui reprend ici du service. C’est tant mieux car l’efficacité est prouvée. Ces merveilleux éléments d’une rare sophistication sont associés à deux timbres carrés montés sur le talon spécifique à Jaeger-LeCoultre qui doit permettre une meilleure diffusion du son.
Le son justement, brevet en cours
Puissant mais sans plus (pour ce qu’il a été possible d’en profiter sur un prototype), il est la résultante de différents facteurs: l’épaisseur de la montre, le métal choisi (or gris) et la grande surface de verre saphir associée à la présence de la masse oscillante périmétrique. Autant d’éléments susceptibles de contrarier une parfaite émission sonore, d’autant que la belle est également étanche à 3 bar.
Cette référence à de quoi néanmoins se faire pardonner sa petite voix car elle sait avoir un tempo qui ravira l’oreille des amateurs avertis. En effet, outre le fait qu’il n’est plus possible d’entendre le volant d’inertie destiné à réguler la vitesse de frappe des marteaux, la frappe est elle-même largement améliorée car les temps morts entre la frappe des heures, des quarts et des minutes est supprimé par un artifice mécanique en cours de brevet. Ainsi, en l’absence de quart à frapper, la montre sonne les heures puis directement les minutes en cours sans marquer ce disgracieux temps d’arrêt – ce silence - dont la plupart des mécaniques concurrentes gratifient l’oreille.
On notera tout de même que pour entendre cette merveille de seulement 7,9 mm d’épaisseur, il faudra faire une petite manipulation que les puristes apprécieront. Les artisans de la manufacture ont trouvé dommage de laisser en permanence une excroissance, un poussoir visible comme le serait un bouton sur un beau minois. Voilà pourquoi, pour ne pas venir gâcher l’harmonie d’un boîtier réussi, ces derniers ont créé un poussoir «magique» dont l’existence dépend du bon vouloir du propriétaire de la montre. Il suffit, pour l’avoir sous le doigt, de pousser le petit ergot destiné à le libérer.
Une pression de 2 mm suffit alors à armer le mécanisme et à faire de nouveau disparaître et rester caché, ce bubon pourtant fort utile mais disgracieux. Evidemment géniale, cette idée mérite quelques applaudissements car l’équilibre d’un garde-temps d’exception doté de belles complications ne tient pas seulement à la prouesse mécanique mais à sa plastique. Ici, dans l’absolu, l’équilibre est parfait et maîtrisé dans les moindres détails. Et devant tant de maestria, on devine en leur for intérieur la fierté des horlogers à l’origine de pareille merveille. Ils peuvent, la pièce est d’un rare équilibre.