SIWP Rebellion

Les horlogers indépendants à la table du casino

Plusieurs noms bien connus et quelques nouveaux venus partagent au SIWP leur passion de la belle horlogerie, dans un enthousiasme communicatif. Rencontre avec ces marques qui volent sous les radars.

Par Marco Cattaneo
Journaliste

Elles sont à peine quinze. Quinze petites marques dirigées par autant de passionnés qui exposent ensemble pendant la semaine du SIHH sous la bannière du SIWP, le Swiss Independent Watchmaking Pavilion. Pour les trouver, il faut d’abord se faufiler entre deux rangées de machines à sous, avant de longer les tables de jeu et d’avaler une dernière volée de marches.

Tourbillons et heures sautantes

«Exposer dans un casino, c’est tout un symbole pour des horlogers», s’amuse Antoine Preziuso, patron de la marque éponyme. Le décor ne surprend pourtant pas Amarildo Pilo, président des marques Pilo et David van Heim, à l’origine de cette initiative. L’homme dont les montres trônent en haut des escaliers dans une vitrine dédiée est déjà partenaire exclusif des casinos Partouche, et organise depuis 2012 des salons similaires en Asie. «Exposer dans un casino, ça se fait en Chine comme aux Etats-Unis, et ça ne se ferait pas en Suisse?» Pour cette première édition, inaugurée dimanche soir au son langoureux d’un saxophone, il y a du tourbillon et de l’heure sautante un peu partout; l’ambiance est chaleureuse, le cadre intimiste et les vitrines facilement accessibles invitent au contact. Ça sent la passion et l’amour de la belle horlogerie car ici, ce sont les horlogers eux-mêmes qui portent leur marque, s’appuyant sur la qualité et l’originalité de leur travail plus que sur des plans marketing élaborés qu’ils n’auraient sans doute pas les moyens de financer.

SIWP Casino de Genève Inauguration du SIWP au Casino de Genève

On retrouve des noms connus comme ceux de Kari Voutilainen, distingué en 2013 au Grand Prix d’horlogerie de Genève ou de Vianney Halter, sacré meilleur horloger-concepteur par ce même Grand prix en 2011, avant de remonter sur scène deux ans plus tard pour le prix de l’innovation. On rencontre des marques dont les créations ont su trouver leur public depuis plusieurs années comme Rebellion, ou Peter Tansiman.

«Il faut proposer des nouvelles complications»

On croise surtout des horlogers qui tournent et retournent leur montre entre leurs mains pour les expliquer aux visiteurs jusque dans leurs moindres détails. Ludovic Ballouard par exemple, le catogan conquérant et chaussant des lunettes à l’épaisse monture ronde qui lui donnent un petit air de Le Corbusier. Il présente deux pièces, la Upside Down lancée en 2010 et la Half Time de 2012. Toutes deux jouent de façon inattendue avec les index: sur la première, seul le chiffre de la bonne heure est à l’endroit, indiqué par un petit point. Tous les autres apparaissent tête bêche, donnant leur nom à ce curieux garde-temps. Sur le cadran de la deuxième, deux disques superposés  tournent en sens inverse, portant l’un la moitié inférieure des chiffres, et l’autre la moitié supérieure. Les deux s’assemblent dans un guichet à midi pour indiquer l’heure, complétée par une minute rétrograde. «Lorsqu’on est indépendant, il faut vraiment proposer des complications nouvelles, en petite série ou en pièce unique, si on veut que les gens accrochent», explique l’homme qui a fait ses gammes chez François-Paul Journe et qui revendique aujourd’hui 25 points de vente à travers le monde.

Il y a aussi des nouveaux venus, comme Rexhep Rexhepi, qui a lancé il y a deux ans sa marque Akrivia. «Ça veut dire précision en grec ancien», souligne-t-il d’emblée Il est lui aussi passé chez François-Paul Journe, après un apprentissage chez Patek Philippe, mais rêvait d’indépendance. Depuis 2012, c’est donc pour son compte qu’il termine ses composants, les assemble, s’occupe du réglage et de l’emboitage; à 27 ans, il a déjà produit une douzaine de pièces, réparties entre les quelques modèles qu’il propose. Un impressionnant tourbillon chronographe mono-poussoir au cadran un peu chargé, et une très jolie heure sautante avec sonnerie au passage de l’heure qui se détache sur un cadran poli miroir adouci par un traitement bleu, le tout dans une boîte aux lignes agréables de 42,5 millimètres.

SIWP opening Soirée d'inauguration du SIWP

Franc suisse et angles rentrants

On citera enfin Vincent Calabrese, dont les heures sautantes animent un cadran aux multiples déclinaisons, protégées par un saphir bombé, ou les créations d’Emmanuel Bouchet, d’Evilard, de Watche, de Moya et de Jean Kazès. Un signe qui ne trompe pas, et témoigne de la qualité prometteuse de ce salon naissant : en cette première soirée, on y a plus parlé d’angles rentrants que du nouveau taux de change du franc suisse!

www.swiss-pavilion.com/

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