SIHH 2015, le bilan
En ce début de salon, une chose semblait claire: une crise couve dont on ne saurait dire le nom. Est-ce la récente décision de la Banque centrale suisse? Non, la crise était assurément ailleurs…
Ce n’est pas la décision de la Banque centrale suisse prise le jeudi 16 janvier d’abandonner sa politique dite du «cours plancher» pour sa monnaie qui impactait le plus l’ambiance.
L’ambiance avait quelque chose de celle des cours d’écoles et prennait une forme sensiblement équivalente à celle que font les enfants trop gâtés dont l’habitude est prise de jalouser le voisin. Oui, les garde-temps étaient tous magnifiques et certains même originaux. Mais là encore, l’habitude a été prise d’accepter l’inacceptable et cette tendance à la baisse des prix, un miroir aux alouettes car, seules deux marques ont réellement fait un effort pour proposer une offre susceptible de répondre à la tendance «baissière» du marché.
La démarche de Montblanc fait de l’ombre
Un rapide retour sur les comptes-rendus des uns et des autres indique que Montblanc sort, une fois encore, son épingle du jeu grâce à un subtil jeu de séduction. Cette débauche de créativité -que l’on espère voir traduite dans les faits- cause un tort certain à une maison comme Baume & Mercier. Sa politique de prix raisonnables et son choix de «draguer les jeunes diplômés» est clairement étouffée par l’orientation prise par Montblanc de valoriser la mécanique et les fonctions. On sait le monde horloger porter son attention sur le produit et moins sur le «story telling». Mais la collection Montblanc étouffe également celle proposée par Jaeger-LeCoultre et met en exergue la mollesse des options prises par A.Lange & Söhne malgré un produit phare dont la production demeure intensément limitée.
A. Lange & Soehne Zeitwerk Minute Repeater
On notera toutefois que dans cette compétition et face au foisonnement tout azimut, le choix fait par IWC de jouer la carte de la monothématique en réinterprétant la gamme Portugaise a quelque chose de reposant et d’appréciable.
Et les autres dans tout cela?
Ah oui, on aurait presque fini par les oublier tant émerge cette fameuse guerre de personnes à travers les marques principales présentes lors de ce salon. Cartier fait évidemment bande à part avec une foule de créations à en donner le tournis. Toutefois, le lancement de la collection «Clé» a surpris et rien ne dit, malgré le synchrétisme horloger dont elle procède, si elle parviendra à surpasser Ballon Bleu que l’on sait avoir eu une audience essentiellement féminine. Et Audemars Piguet, dont on attendait beaucoup en matière de nouveauté nous a surtout gratifié de ses études sur l’acoustique. Il faut sans doute voir dans cette étude une façon toute personnelle de son CEO de nous faire comprendre qu’au milieu de cette cacophonie ambiante, la vérité est aillleurs.
Jaeger LeCoultre Celestial Rendez-vous
Toutefois, au cœur de ce bruissement horloger, on note l’émergence silencieuse d’une maison comme Ralph Lauren dont l’équilibre des collections démontre qu’elle a atteint sa vitesse de croisière en utilisant avec intelligence les calibres des autres. On devine que Piaget a laissé sur leur faim les passionnés de la maison car le chronographe Altiplano manque un peu de «sex appeal» faute d’avoir un cadran accrocheur (l’économie de matière pour battre un record est ici sanctionné).
On note: que la manufacture Roger Dubuis a su impressionner, plus par son stand débridé et sa technologie de réalité augmentée que par ses collections pourtant magnifiques de pièce squelettes. On retiendra également que Vacheron Constantin s’est vu dépouiller de l’anniversaire de ses 260 ans par l’annonce du prochain lancement de l’extension de bracelet E-strap par Montblanc. Et que Richard Mille, pourtant le chantre du futurisme horloger, n’a pas réagi face à l’arrivée, au sein même du temple de la haute horlogerie, d’un outil électronique supposé pouvoir causer du tort au métier traditionnel.