Post-SIHH : les impressions de l’insider Suzanne Wong

Suzanne Wong est la rédactrice en chef de REVOLUTION Asia et a certainement beaucoup plus d'expérience à poser des questions qu'à y répondre. Elle passe le plus clair de son temps à Singapour mais il n'est pas rare de la voir se promener en Suisse (elle a un abonnement de train et n’hésite pas à s’en servir). Elle souffre en permanence du décalage horaire, quelque soit l'endroit, est toujours à la recherche de plus de temps et d'une nouvelle coupe de cheveux !

Promis, on dira rien, mais quel fut votre retard le plus fâcheux?

J'étais en retard à la réunion de rédaction de mon propre magazine alors que j’étais celle qui avait l’agenda de la réunion. C'était le jeudi de la semaine du SIHH et on était un peu plus libre ce jour-là. Les rédacteurs de REVOLUTION du monde entier profitent de ce moment pour se rencontrer et parler du salon tout en mettant au point un agenda global pour l’année qui se dessine. Il faut dire que j’étais en retard à cause d'une interview juste en face qui avait commencé plus tard que prévu du fait d'un retard du journaliste me précédant.

Et il était en retard parce qu’un autre journaliste avait dépassé le temps qui lui était alloué.

Toutefois, ce genre de situation est typique du SIHH. J’ai réalisé que vous ne pouvez profiter du salon au maximum qu’en étant un peu plus flexible dans de telles circonstances. J’ai dû courir – dans des bottines à hauts talons – du centre de presse jusqu’au stand de Panerai où notre réunion était fixée. Le côté positif de l'affaire est que j'ai atteint mon quota quotidien d’activité physique en courant comme une affolée.

Votre rendez-vous le plus mémorable?

Il n’était même pas prévu ! Un jour, je me retrouvais avec un peu de temps libre et j’ai décidé de me rendre au stand d’Audemars Piguet afin de prendre des nouvelles de Giulio Papi, étant donné qu’on n’avait pas réussi à fixer un rendez-vous au préalable. Et nous avons eu une conversation merveilleuse et totalement officieuse à propos d'aspects techniques fascinants de l’horlogerie. Claudio Cavaliere et Sebastian Vivas se sont joints à notre conversation et c’est à mon plus grand regret que nous n’avons pas pu prolonger la discussion pour au moins une demi-heure de plus.

Eléonor Picciotto & Suzanne Wong

Votre selfie le plus réussi ?

Le seul selfie que j’ai pris pendant le SIHH était en fait un wefie et ce n’est même pas moi qui l’ai pris.

C’était avec mon amie Eléonor Picciotto et c’était une photo magnifique ! Après une longue journée où j’avais enchainé des rendez-vous, on s’est retrouvées assises devant le stand de Richard Mille en buvant des « boissons pétillantes».

Toutefois, j’ai pris un bon nombre de wristshots dont un excellent avec Anish Bhatt de Watch Anish. Les montres étaient superbes – je portais ma PAM 599 REVOLUTION Special Edition et il portait quelque chose dont je ne me souviens plus. Ce wristshot est mémorable à cause de sa toile de fond; il y avait une dizaine de boîtes de pizzas sur le comptoir de la cuisine dans l’appartement qu’il partageait avec son équipe.

On aurait dit que Godzilla s’était emparé de ces boîtes tellement elles étaient ravagées. Oubliez les voitures de sport, les costumes impeccables ou les cigares coûteux; vous voulez savoir comment l’équipe de Watch Anish se prépare pour la semaine du SIHH ? Eh bien, ils mangent beaucoup de pizza et écoutent du rap. BOOM.

Votre plus belle rencontre?

Je ne pourrai pas en choisir qu’une. On se sent comme du velcro dans un magasin de pulls au SIHH ! On ne peut faire cinq pas sans s’arrêter. On voit quelqu’un, on sait qu’on a le temps que pour le saluer et avant qu’on ne s’en rende compte, il ne reste qu’une minute pour courir de Vacheron Constantin à Ralph Lauren.

Anish & Suzanne wristshot

C’est ainsi tous les jours, entre chaque rendez-vous et cela se passe ainsi avec chaque personne qu’on rencontre. Etant donné que je suis basée à Singapour, je ne rencontre pas ces personnes pendant des mois. Donc, chaque rencontre vient avec son ensemble de circonstances spécifiques et plaisantes.

Une rencontre ? J'imagine que cette question se réfère aux rencontres inattendues, n’est-ce pas ? Une rencontre que je pourrai qualifier des plus belles de ce SIHH est celle que j’ai eue avec Stéphane Belmont au stand de Jaeger-LeCoultre le lundi soir. On a échangé quelques mots et par un coup de chance, il avait la toute dernière Master Grande Tradition Grande Complication avec lui: j’ai pu écouter sa sonnerie – je sais qu’ils sont très satisfaits des récents raffinements qu’ils ont apporté au mécanisme. C’était spectaculaire !

La marque, le produit, le matériau ou la personne qui vous a le plus surpris ?

J’avais un rendez-vous avec Christian Selmoni de Vacheron Constantin – je ne suis pas certaine si « surprenant » est le mot approprié ici – mais notre conversation m’a vraiment permis d’en savoir plus de la marque, de son approche au produit et de sa philosophie du bon design.

D’aucuns auraient l’impression que travailler chez Vacheron Constantin veut forcément dire qu’on adopte une attitude très traditionnelle et conventionnelle mais ce n’est absolument pas le cas. Parler à Christian Selmoni, qui conjugue une riche expérience à une approche très progressiste, était un privilège exceptionnel que j’ai beaucoup apprécié au SIHH cette année.

Au niveau de l’organisation, ce qui vous a marqué (d’une façon positive ou négative) ?

Je risque probablement de m’attirer des ennuis en disant cela mais il y avait trop de vidéos marketing inutiles. J’adore les vidéos quand elles nous donnent des détails qu’on n’a pas le temps de découvrir pendant les brèves sessions de presses. J’aime les vidéos qui nous immergent dans les mouvements et qui illustrent des points techniques qu’on ne peut pas verbaliser.

Mais je n’aime pas les vidéos qui essaient seulement de faire bonne impression avec une atmosphère ou une histoire. Tout d’abord, nous sommes tous professionnellement assez matures pour jauger un produit et je n’aime pas qu’on me dise ce que je dois penser d’une montre. Ensuite, tout en reconnaissant la quantité de travail et de temps fournis pour réaliser ces vidéos, je pense qu’elles facilitent trop les choses pour la presse – elles nous encouragent à être paresseux.

Rotonde de Cartier Astrotourbillon Squelette

Je repense aux conversations riches et hautes en couleurs que j’ai quand je suis en présence d’un représentant d’une marque qui est vraiment passionné (que ce soit le directeur d’une marque, un designer ou un spécialiste de développement de produits) et je dois admettre que les vidéos marketing me rendent quelques fois extrêmement impatiente.

Votre nuit la plus courte

Nous avions organisé une petite soirée bien discrète le jeudi soir pour célébrer le 10^e anniversaire de REVOLUTION et elle pris fin légèrement plus tard que prévu. En tous cas, c’est ce que je dirai si on me le demande. Je n'en dirai pas plus...

Votre journée la plus longue

Je n’arrive pas à faire la différence avec la question précédente !

Votre coup de cœur montre

La Rotonde de Cartier Astrotourbillon Squelette. Elle est parfaitement équilibrée – ouverte mais puissante, transparente mais attrayante, peaufinée techniquement mais esthétiquement puissante. Nombreux sont ceux qui voteront pour la Grande Complication, et je comprends très bien pourquoi, mais je pense que l’Astrotourbillon Squelette représente mieux l’esprit et la philosophie de Cartier cette année. Elle symbolise clairement les dichotomies complexes que j’ai toujours trouvées dans cette marque ; je trouve que c’est aussi puissant que séduisant.

Le contact que vous vous réjouissez de suivre et d’approfondir

En fait, un bon nombre de mes collègues internationaux de REVOLUTION ont rejoint l’équipe récemment, même s’ils sont des habitués de l’industrie. J’ai vraiment hâte de tisser de solides relations de travail avec eux et de cultiver de bonnes synergies créatives entre nos éditions respectives.

La phrase, les mots qui vous ont tué!

Le bavardage obsessif et continu concernant la suppression soudaine et inattendue du taux plancher par la Banque Nationale Suisse. J’aime bien tous les aspects qui entourent l’industrie horlogère, l’aspect économique y compris, et j’ai eu des conversations officieuses analysant la situation, que ce soit en termes de motivations, d’implications et de réactions à plusieurs reprises avec des personnes différentes. C’est définitivement une zone de grande préoccupation avec des conséquences significatives sur laquelle il est intéressant de spéculer.

Toutefois, il m’a semblé dommage que des questions portant sur des institutions financières et les marchés des devises aient quelques fois pris préséance sur les produits au cours du salon. Les  montres méritaient définitivement beaucoup plus d’attention qu’elles en ont reçue cette année.